Samir OUZGANE

Maîtrise « Information et communication »

La socio économie de l’édition

Année universitaire 2001-2002

 

 

 

Le secteur de l’édition des bandes dessinées

 

 

Introduction :

 

La bande dessinée, considérée comme l’art du récit par l’image, fait partie intégrante de notre univers depuis des générations et connaît un développement exceptionnel ces dernières années.

Décrite comme le 9ème art, elle a une portée universelle, s’adressant aussi bien aux personnes peu cultivées qu’aux universitaires.

Elle représente un secteur commercial non négligeable dans l’édition et a pu créer une véritable industrie axée sur elle et autour d’elle. Cependant, quel est le secret de ce grand succès ? Sera - elle influencée par les nouvelles technologies ?

Avant de répondre à ses questions, nous allons d’abord tracer un petit historique de la bande dessinée et analyser par la suite l’économie de ce secteur et l’état actuel du marché de la BD

 

Des dates à ne pas oublier dans l’histoire des bandes dessinées :

 

En Suisse :

1825 : Radolphe Tophfler réalise des petits fascicules. Il dessine des illustrations de récits qu’il écrit à l’intention de ses élèves : Voyages en zig-zig publié en 1832 et M. Vieux-Bois, 1ères estampes éditées en 1837.

 

En Allemagne :

1860 : Wilhem Bush met en images l’histoire d’une souris qui perturbe le repos des braves.

 

Aux États Unis :

·        Développement de la bande dessinée sous la forme de comic strips : récits en quatre ou cinq images paraissant de façon quotidienne ou hebdomadaire dans les journaux.

1892 : Swinnerton crée Little Bears and Tiger pour le San Francisco Examiner

1896 : Richard Outcault invente Yellow Kid, héros de la série Hogan’s Alley, un personnage qui va connaître un grand succès.

1912 : Le marché de la bande dessinée s’organise : Hearst (propriétaire de New York Journal), fonde le 1er « Syndicate » chargé de la commercialiser . Il deviendra le KFS (King Features Syndicate).

1914 : Cet organisme place et revend les bandes dessinées dans le monde entier.

1923 : La création du personnage : Felix the cat d’Otto Messmer.

1929 : L’année des grands crus : Popeye le marin d’Elize Crisler ; Tarzan d’Harold Foster.

1930 : Mickey Mouse sort des dessins animés où il a été inventé pour la première fois en 1928.

1938-1954 : Période des super héros : Actions comics en 1938 avec Supermen et Captain Marvel en 1941.

La fin des années soixante voit l’apparition des librairies spécialisées. Leurs clients sont d'abord des collectionneurs de comic books et des fanatiques des super-héros. Mais, progressivement, ces magasins s'ouvrent aux œuvres alternatives et de nouveaux réseaux de distribution sont mis en place.

 

École Franco-belge :

1889 : En France, Christophe (pseudonyme de Georges Colomb) publie des récits illustrés qui s’étalent sur plusieurs années : La famille Fenouillard en feuilleton dans l’hebdomadaire Le Petit Illustré Français édité par Armand Colin

1892 : De nombreux titres destinés aux enfants présentent des bandes dessinées (Mon journal…)

1905 : Le n°1 de la Semaine Suzette publie Bécassine.

1908 : L’Épatant (des frères Offenstadt) publie Les Pieds Nickelés de Louis Forton.

1924 : 1ère Bande dessinée belge réalisée par Georges Rémi (Hergé) : Totor CD des hannetons.

1929 : Hergé crée le personnage de Tintin dans le n° 11 du Petit Vingtième.

1938 : En Belgique, le Français Robert Velter imagine le personnage de Spirou dans un magazine fondé par Jean Dupuis.

1947 : Spirou arrive en France.

1959 : Naissance de la bande dessinée adulte. Le 29 octobre 1959 apparaît un « Grand Magazine Illustré des Jeunes »

1974 : Marcel Gotlib fonda la revue Fluide Glacial, où parurent des séries à succès comme les Bidochon et Kador (Christian Binet), Carmen Cru (Jean-Marc Lelong) ou Superdupont (Lob et Gotlib) ; l'humour "glacé et sophistiqué" d'Edika (l'Affaire Clarky), de Tronchet (Raymond Calbuth) et de Goossens (Le romantisme est absolu) put s'y étaler avec bonheur

1978 : Nouveau mensuel « À suivre » édité par la maison d’édition CASTERMAN et qui va offrir des séries très appréciées et de haut niveau.

 

Le public de la bande dessinée :

 

Pendant des années, la bande dessinée de langue française s'est principalement adressée aux enfants. Les années 60 verront peu à peu l'émergence d'œuvres pour adultes. Mais c’est uniquement depuis environ deux ans que la production de bandes dessinées dites «Jeunesse » prend une place importante dans le monde de l’édition.

La bande dessinée est le seul genre littéraire capable actuellement de fédérer trois générations. Cependant, le lectorat reste difficile à cerner. Même si toutes les couches sociales lisent les bandes dessinées, le public reste essentiellement masculin : sur 1100 « bédéastes » recensés, 80 seulement sont des femmes.

 

1-   Les maisons d’édition et la bande dessinée:

 

Tout en faisant partie intégrante du monde de l’édition, la bande dessinée détient son propre créneau lié à la présence d’éditeurs spécialisés. On retrouve aussi les grands groupes mais faiblement impliqués.

Les quatre acteurs principaux du marché : DUPUIS, Groupe DARGAUD, Groupe GLÉNAT CASTERMAN réalisent autour de 60% de la production en titres et assurent  environ 80% du secteur.

 

Un aperçu sur quelques maisons d’édition dans le secteur de la bande dessinée :

 

DUPUIS :

A travers le magazine Spirou et de prestigieuses collections d'albums de bande dessinée, les Éditions DUPUIS ont conquis depuis longtemps le cœur des amoureux du "Neuvième Art". Onze millions d'albums vendus en francophonie en 1999. 35% de part de marché. Ces chiffres impressionnants témoignent du succès des bandes dessinées DUPUIS.

 

La S.A. Éditions DUPUIS a réalisé un chiffre d'affaires de 465 millions de francs en 2001, réparti comme suit :

57 % pour les albums édités en langues française et néerlandaise.
8 % pour l’hebdomadaire Spirou (Français et Néerlandais).
12% pour le marketing direct.
4% pour l'audiovisuel et le licensing.
19% de divers

 

La quote-part du chiffre d'affaires réalisé en France s'élève à 54 % et en Belgique à 28 %.
Le capital de la société belge est de 19.5 millions d'Euros; le cash flow a atteint 6 millions d'Euros en 1998 et le bénéfice après impôt 2.3 millions d'Euros.

 

Le Groupe GLÉNAT:

Président :                               Jacques Glénat

Date de fondation :                  1969

Statut et capital social :             SA au capital de 5.000.000 d'Euros

(32 797 850 F)

Chiffre d’affaires annuel :          312 903 000 FF (CA consolidé 2000) dont :

* 85 % dans la bande dessinée,

* 15 % dans les magazines et les livres.

Activité :                                  - éditeur de bande dessinée et d'humour,

- éditeur de livres de mer et de montagne,

- éditeur de magazines

La maison d’édition publie :

·        La bande dessinée et l'humour sous les marques Glénat, Zenda et Vents d'Ouest

·        Les manga sous la marque Glénat, etc.

 

DARGAUD :

DARGAUD rassemble quatre maisons d'édition francophones, trois diffuseurs ou distributeurs, un producteur audiovisuel et un éditeur vidéo. C'est le premier groupe européen de bande dessinée. Quelques-unes des vedettes : Achille Talon, Le Lieutenant Blueberry, Blake & Mortimer, Le Marsupilami.

  

3- Le réseau de distribution des bandes dessinées :

 

En terme de distribution, quatre réseaux coexistent : les librairies spécialisées, capitales notamment pour le soutien de la bande dessinée d’auteur et le lancement de nouvelles séries ; les grandes surfaces spécialisées (FNAC, VIRGIN), aux rayons très développés ; la grande distribution qui tend de plus en plus à faire la part belle à la bande dessinée ; enfin, les librairies généralistes qui accordent désormais une juste place à ce secteur.

 

4-   Le marché actuel de la BD :

 

Pour la septième année consécutive, les ventes sont orientées à la hausse. Le chiffre d’affaires a connu une augmentation de 8% en 2001. En effet, le secteur a connu la meilleure performance du monde de l’édition avec plus de 1 800 publications contre 1 500 l’année précédente et 30 millions d’albums vendus. Il a même ainsi devancé le livre pour la jeunesse (+6.5%), les formats poches (+5%) et les ouvrages pratiques (+4.5%).

 

En effet, le dernier Astérix a pulvérisé les records avec 3 millions d’exemplaires vendus. D’autres best sellers ont aussi rythmé l’année précédente comme Blake et Mortimer (Ed. BLAKE ET MORTIMER / DARGAUD), Le Petit Spirou (DUPUIS), Boule et Bill (DARGAUD), etc. Cependant, la réussite des séries cultes n’a pas empêché la confirmation de l’émergence d’une nouvelle génération d’auteurs.

 

Ainsi. la plupart des éditeurs ont annoncé des progressions de leur chiffre d’affaires bien plus significatives, tels DARGAUD-LOMBARD qui a enregistré une progression de 10% avec des résultats au delà de ses prévisions, DELCOURT qui affiche un chiffre d’affaires en hausse de 28% à cause de la multiplication de ses opérations, DUPUIS a progressé quant à lui de 11%, même CASTERMAN, qui après sa chute en 2000, suite à son rachat par FLAMMARION et au traumatisme engendré chez ses auteurs, a vu ses ventes se redresser et est devenu bénéficiaire avec un chiffre d’affaires en croissance de 13.5%.

 

Cette croissance est due au fait que la BD est redevenue une sorte de phénomène de société. Les éditeurs se sont convertis au marketing. Ils y ont même consacré un grand pourcentage de leurs investissements. Les libraires, de leur côté, ont découvert l’intérêt pour leurs ventes de mettre la BD en avant.

 

Ces dernières années, les éditeurs ont pu faire des profits grâce à des séries cultes. L’édition des bandes dessinées selon les spécialistes est un métier risqué. En effet, les coûts de création et de fabrication sont très importants et interviennent très en amont et le prix de vente est deux fois plus faible que celui de la littérature en général.

(Pour connaître les éléments constitutifs du prix public : voir ANNEXE 2)

 

De ce fait, pour être rentable, une bande dessinée doit se vendre aux alentours de 10.000 albums voire davantage quand il peut suffire de vendre 2 500 à 3 000 exemplaires d’un roman pour équilibrer les investissements.

 

Ce seuil est aujourd’hui atteint, le tirage moyen d’une BD étant de 15 000 exemplaires quand l’ensemble du secteur de l’édition plafonne à 8 200.

  

5-   Les secteurs de la bande dessinée :

 

Tous les secteurs de la bande dessinée affichent de bons résultats mais c’est surtout la science fiction qui, depuis des années maintenant, a de grand succès avec des séries comme Aquable (700 000 exemplaires), Sillage et Golden City (près de 500 000 exemplaires) pour DELCOURT. L’an dernier, NUCLEA, de son côté, a développé la science fiction, porté sa production à 15 nouveautés et compte continuer sur le même rythme cette année.

En 2002, ce sera au tour de DARGAUD de se lancer dans la science fiction avec 5 nouvelles collections « Fiction » comprenant seulement de nouvelles séries.

 

D’autres secteurs sont repartis à la hausse comme le manga et l’humour. Ce dernier, créneau exclusif de FLUIDE GLACIAL, a permis la croissance de l’activité BD de HORS COLLECTION.

La BD policière, quant à elle, reste également très présente au catalogue des éditeurs. GLÉNAT prévoit une importante opération de promotion de sa collection « Bulle noire »

 

6-   La BD et les nouvelles technologies :

 

La BD interactive :

La BD interactive est née en octobre 1996 lorsque la société INDEX+ a publié « Opération Teddy Bear », l’adaptation de la BD sur CD ROM : les objets et les personnages s’animent à l’intérieur des cases, avec des liens vers des fiches historiques. 200 000 exemplaires ont été vendus. Mais, INDEX+ a subit un échec commercial lorsqu’elle a tenté de rééditer ce succès en 1997 avec «Le piège diabolique». Elle a revu à la baisse ses ambitions, avec des produits à un prix plus proche de celui des BD papier.

 

La BD et l’internet :

La bande dessinée se décline de plus en plus en version web. On ne compte plus les sites Internet qui recèlent des trésors d'images, d'animations et d'informations.

On y trouve des bases de données sur la bande dessinée (albums, ouvrages documentaires, revues pédagogiques, magazines spécialisés, fanzines, sites, vidéos, ... ) et plusieurs sites Internet sur l'actualité des parutions.

 

En effet, Internet est devenu maintenant un outil de recherche et d'information sans équivalent, offrant aux bédéphiles, enseignants de toutes disciplines (de l'école à l'université), élèves, bibliothécaires, documentalistes et chercheurs, des ressources virtuelles avec des possibilités de recherche multicritère exceptionnelles.

 

Ainsi, par un simple clic, ils y trouvent des méta-catalogues ou catalogues de liens qui proposent de nombreux sites sur la BD : sites généralistes, sites sur l’histoire des héros de bande dessinée et de leurs créateurs, l’actualité dans le monde. Ils proposent aussi des forums pour la discussion entre amateurs des BD et des glossaires. Sur le net, plusieurs sites proposent des outils de créations de BD, des logiciels pour générer des BD et même des explications pour pouvoir créer soi-même un album BD.

 

Tout bascule sur le net : les maisons d’édition proposent maintenant leurs dernières parutions et toutes leurs collections sur la toile. Certaines se sont même spécialisées dans l’édition en ligne.

Le net a ainsi réduit cette distance entre les maisons d’éditions et les amateurs de BD. Il constitue actuellement un outil nécessaire pour la promotion et la diffusion de leurs collections.

 

Les librairies ne sont pas en reste et on a vu la naissance sur le web de librairies entièrement spécialisées dans la bande dessinée. Ainsi, Bdnet, première librairie spécialisée dans la BD en ligne , a été lancée par la librairie Nation et le groupe FTD en 1996. Le site rassemble tous les albums disponibles chez les éditeurs. Le règlement est effectué par un call center et le paiement est sécurisé par carte bancaire ou par chèque. On y trouve aussi l’actualité du monde de la BD, un annuaire et un forum. Parmi les librairies en ligne créées par la suite, on peut citer : a-bd.com, bdachat.com et aussi bdstore.com

 

Conclusion :

 

La bande dessinée est celui des secteurs de l’édition qui s’est le mieux développé. Une évolution due à de multiples raisons, notamment l’utilisation des nouvelles technologies auxquelles font appel les créateurs et les éditeurs.

Les maisons d’édition ne comptent pas s’arrêter là. Plusieurs projets sont mis en place et le futur est plus que prometteur. La plus important est l’arrivée dans le secteur du groupe LA MARTINIERE, leader du livre illustré, qui accompagnera le développement en tant qu’actionnaire majoritaire des éditions EMMANUEL PROUST. CASTERMAN compte redynamiser sa collection. Pour sa part, DUPUIS compte lancer une nouvelle collection « Horizons » de réédition à moindre prix (6euros).

 

 

 

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