Samir OUZGANE
Maîtrise Information & communication
Option : Documentation
Année universitaire 2001-2002
Les enjeux du développement des publications scientifiques électroniques sur Internet :
Depuis le début des années 90, grâce au développement de l'informatique et de l'Internet, de nouveaux modèles de communication de l'information scientifique ont vu le jour et on assiste même à un bouleversement au sein de la communauté scientifique.
Des projets initiés dans le monde entier, dans différents secteurs de la science, ébranlent l’ordre établi depuis des décennies dans la diffusion des résultats de la recherche et dans le processus du partage des connaissances.
En effet, l’Internet a révolutionné les méthodes de travail. Il permet maintenant de matérialiser différemment les relations entre chercheurs et il introduit de nouvelles possibilités d’édition. L’information scientifique est devenue facile à produire, à diffuser, à archiver et aussi à dupliquer.
Ainsi, on a vu la naissance des e-print. La notion d’e-print est très large. Elle peut être à la fois un preprint (un article qui n'a pas encore été validé par le comité scientifique d'une revue) mais aussi la version d'un article déjà publié dans une revue ou déjà évalué et prêt à être publié.
Un peu d’histoire :
1990-1991 : Premières revues électroniques scientifiques gratuites : surfaces et psycoloquy. Cette dernière, éditée par S. Harnad qui lance le concepet de l’écriture savante céleste «scholarly skywrinting».
1991 : Création des Archives arXiv.org par Paul Ginsparg, physicien. Les publications déposées dans ce serveur sont archivées et deviennent accessibles gratuitement. Actuellement, on compte environ 140 000 connections par jour.
1993 : Behavioral and Brain Sciences target preprint. Des pré-publications cibles déjà acceptées pour être publiées dans la revue Behavioral and Brain Sciences (BBS) sont ouvertes aux commentaires d’autres pairs. S. Harnad, qui a imaginé cet élargissement de la critique d’un article grâce à l’électronique, parle d’«open peer commentary».
1997 : Création par S. Harnad de l’archive CogPrints où sont déposées les articles avant publication et après publication en psychologie, neurosciences, comportement, etc.
La base Medline devient accessible sur Internet
2000-2001 : Création et lancement du logiciel e-prints.org à l’université de Southampton (Grande Bretagne). Ce logiciel permet l’auto-archivage des publications des chercheurs sur les serveurs de leur institution. Grâce à ce nouveau système, la collecte d’information se fait entre toutes les archives « archives virtuelles ».
Actuellement :
Les e-prints ou les publications scientifiques électroniques occupent une position stratégique dans la littérature scientifique et représentent une menace pour l'édition imprimée (flexibilité du caractère multimédia, faible investissement,…). Leur objectif est de diffuser rapidement et gratuitement des travaux scientifiques, parfois pas encore achevés et qui ne sont pas forcément validés par des instances scientifiques.
En effet, elles constituent un progrès significatif, principalement parce qu’elles permettent à l’utilisateur final un accès direct aux contenus sur son ordinateur mais également en raison des apports du multimédia, tels que l’animation et le son, essentiels pour réussir les communications et les échanges entre chercheurs.
Aujourd’hui, la majorité des revues scientifiques sur papier sont diffusées sur le web. Cependant, il est fréquent que la version électronique soit plus qu’une simple copie de la version imprimée. Les revues qui se développent sur Internet utilisent de plus en plus les potentialités offertes par le support informatique et la nature de l’article n’est plus la même. Ainsi, il est possible de recourir à l’hypertexte qui procure à la publication scientifique une dynamique absente du support papier. En effet, puisqu’il n’y a plus de limite matérielle, l’article devient ainsi un nœud dans le réseau mondial et offre un accès à d’autres revues et d’autres sites d’information complémentaire pour le chercheur.
Autres avantages de la publication électronique :
- les compilations électroniques des revues, l’indexation spécialisée et les instruments de recherche qui concourent à faciliter le traitement des millions d’articles concernant la science, la technologie et la médecine qui sont publiés chaque année ;
- les systèmes d’alerte, qui préviennent les chercheurs de la publication des contenus qui les intéressent, particulièrement utiles en raison de l’augmentation massive des publications en ligne.
Les enjeux des e-prints :
Les chercheurs œuvrent actuellement pour disposer d'un point d'entrée unique permettant de suivre les nouvelles publications d'une discipline, de pouvoir retrouver facilement les articles désirés, et ainsi apporter des solutions à l'éparpillement des connaissances actuelles au travers de nombreuses revues.
L'accès sans barrière à tous les chercheurs, quels que soient leur pays d’origine et leur institution d’affectation, motive également le développement de cette économie du savoir .
Enfin, les bases d'e-prints constituent un instrument supplémentaire pour l'évaluation scientifique au niveau de l’institution et de la carrière des chercheurs.
Cependant, les publications électroniques scientifiques connaissent beaucoup de problèmes qui peuvent entraver leur développement.
* Problèmes d’ordre scientifique :
- Les articles diffusés sur le web ne sont pas toujours validés par un comité de scientifiques
- le chercheur risque de devenir un simple « relais d'information ». Il n'aura plus le temps d'assimiler toute l'information, ni même de réfléchir et de « faire de la science ». Il doit déjà consacrer une fraction importante de son temps à préparer des données et des articles pour publication.
- le travail de mise en page, déjà fastidieux, sera dupliqué s'il faut préparer deux versions différentes d'une même publication, l’une imprimée et l’autre électronique.
* Problèmes d’ordre matériel :
- problème d’accessibilité à Internet au plus grand nombre ;
- lenteur du réseau informatique à certaines heures ;
- gratuité des consultations susceptibles d’être remise en cause ;
- augmentation des moyens requis pour assurer un développement durable des publications électroniques
Conclusion :
La mise en accès libre sur Internet des publications scientifiques conduit à élargir le lectorat qui ne serait ainsi plus réservé aux seuls scientifiques. Pour ce faire et pour tirer pleinement partie de la nature même du multimédia en réseau, elles doivent :
· être indexées en texte intégral ;
· être à la disposition d’outils de recherche intelligents, susceptibles d'extraire des informations pour produire de nouvelles connaissances ;
· inclure des données actives qui peuvent être manipulées (simulation, équations mathématiques...) ;
· avoir des liens hypertextes vers d'autres ressources, notamment vers des ressources publiées après la parution d'un document ;
· permettre le commentaire ouvert par les pairs (open peer commentary) pour transformer l'article en un séminaire permanent (living seminar)
· utiliser les ressources du multimédia : nombreuses images et photographies, vidéo, réalité virtuelle, audio, et toute combinaison de ces éléments ;
· pouvoir être converti vers d'autres médias, notamment l'imprimé ;
· tirer avantage de l'infrastructure réseau pour apparaître avant la version imprimée et pour offrir des services d'alerte.