Exposé sur Christian VANDENDORPE et son ouvrage « Du papyrus à l’hypertexte »

 

Présentation de l‘auteur :          

 

Professeur à l’université d’Ottawa (Canada) et sémioticien spécialisé dans les théories de la lecture. Christian VANDERDORPE a fait une thèse sur la lecture de la fable et a découvrant l’hypertexte comme outil de rédaction à partir de la réalisation d’une grammaire sur disque compact pour ses étudiants. 

 

Et c’est pour raffiner sa réflexion sur ce nouvel environnement d’écriture et de lecture qu’il a rédigé cet essai « Du papyrus à l’hypertexte »

 

 Les débuts de l’écrit et de l’écriture :

 

Avant de voir les première tablettes d’argile apparaître, il y a eu l’oral. La culture se transmettait de bouche à oreille et l’auditeur n’avait aucun pouvoir . Il n’avait pas la possibilité de choisir son texte, ni le choix du moment de la communication, ni encore la possibilité de faire un retour en arrière.

 

Cependant, cette situation a été modifié avec l’avènement de l’écrit qui a introduit un nouvel ordre dans l’histoire de l’humanité en permettant d’enregistrer les traces d’une configuration mentale et de la réorganiser à volonté.

 

L’écrit, à ses débuts, avant connu des hauts et des bas. D’abord, il avait une valeur symbolique chez les assyriens, les babyloniens, les égyptiens…mais en revanche était critiqué par les grands philosophes grecs qui étaient inquiets des transformations que risquent d’apporter ce supports.

 

Cependant, la situation changera avec l’avènement du christianisme (la religion du livre) qui valorisa le livre et sera à l’origine de la diffusion du codex.

 

La lecture, quant à elle, fut longtemps à haute voix et ce travail était confié à des esclaves dans la Grèce et la Rome antique avant de voir apparaître la lecture silencieuse à partir du 4ème siècle de notre ère.

  

Historique des supports :

 

L’écrit a été donc la première grande révolution dans l’ordre intellectuel et le premier support de l’écriture alphabétique était le papyrus. Le scribe alignait les colonnes de texte en parallèle jusqu’à ce qu’il arrive à la fin du texte.

 

Malgré ses qualités qui ont fait de lui le livre par excellence pendant trois millénaires, le fait qu’il soit enroulé posait de sérieux problèmes et des limitations à l’expansion de l’écrit et contribuait à le maintenir sous la tutelle de l’oral.

 

Le codex, quant à lui, a vu son apparition avec les premiers chrétiens. Ce nouveau support était composé de feuilles pliées et reliées formant un cahier ou un livre petit. Il était plus maniable et plus économique que le papyrus et permettait d’écrire des deux côtés.

 

De nombreuses autres révolutions suivront : le codex a introduit la notion de pages ce qui l’a fait entrer dans l’ordre de la tabularité. On a vu aussi la séparation des mots dans le texte à partir du 6ème siècle, l’apparition de la ponctuation, des paragraphes, des titres, de la page du titre , de la table des matières et de l’index entre le 11ème et le 13ème siècle. Quant à la pagination, elle ne devient courante que dans la seconde moitié du 16ème siècle.

 

L’imprimerie :

 

L’imprimerie a pu consolider tous les acquis antérieurs depuis son apparition en portant encore plus loin les exigences de la lisibilité.

 

Des normes de lisibilité avaient ainsi été créées pour donner au texte une lecture facile et rapide. Ces normes n’émanent pas d’une autorité unique mais découlent des pratiques et des règles établies par tous ceux qui participent à la production du texte.

 

L’imprimerie a donc permis le calibrage des textes, la régularité de l’espace entre les mots et l’interligne. Elle a assuré également la régularité du matériel visuel pour ainsi faciliter la lecture et rendre le livre agréable.

 

Quant à la ponctuation et aux norme de l’orthographe, la normalisation, s’est faite progressivement.

 

Le texte est devenu ainsi un lieu de non- ambiguïté absolue et l’activité du lecteur est devenue facile et efficace.

 

L’imprimerie a aussi accentué le mouvement de tabularisation dans certains types d’ouvrage. Il est ainsi possible de situer le point de lecture, d’estimer l’importance d’une section par rapport à une autre, de retrouver facilement une idée grâce à un ou des index. Et avec l’apparition des journaux et de la presse, la lecture se tabularise davantage avec l’apparition des blocs visuels et des titres bandeaux.

 

Le support informatique :

 

Le livre a toujours été considéré comme un objet privilégié et possédant un statut exceptionnel qui s’est renforcé avec l’imprimerie. Mais au 20ème siècle, on a vu l’entrée en scène de plusieurs médias dont l’ordinateur qui tend actuellement à accompagner la représentation de toute profession intellectuelle.

 

Il garantit la modernité de sa démarche et sa capacité à dominer des domaines complexes car c’est par cet objet et non plus avec le livre que passe maintenant l’accès à la totalité du savoir humain.

 

Il va ainsi dans le sens de l’évolution du codex et des exigences du lecteur avec sa capacité de mémoire qui pourrait emmagasiner des millions de livres et avec le web qui permet actuellement des interrogations à distance.

 

Cependant, nombreuses sont les critiques qui ont souligné l’inconvénient de la lecture sur écran. Dès qu’il s’agit de lire des livres ou d’une lecture attentive , la plupart choisissent de passer à l’imprimé et cette faible visibilité textuelle tient d’abord à la mise en forme de texte sur écran et aussi au support matériel.

 

L’hypertexte :

 

L’hypertexte représente une façon de relier directement entre elles des informations diverses, d’ordre textuel ou non, situées ou non dans le même fichier à l’aide de liens. Grâce à une interface contenant plusieurs éléments visuels et intuitifs, l’usager d’un hypertexte peut repérer des endroits d’un document où sont greffées des informations supplémentaires et y accéder directement à l’aide d’un simple clic de la souris.

 

Le terme a été crée en 1965 par Tel NELSON qui s’était basé sur un article de Vannevar BUSH publié en 1945. Ce dernier avait envisagé un gigantesque système d’emmagasinage du savoir grâce auquel chacun pourrait interconnecter et annoter tous les documents susceptibles de l’intéresser.

 

Ted NELSON, quant à lui, désignait par ce terme une façon nouvelle d’écrire sur ordinateur, dans laquelle chaque unité textuelle donnera lieu à un accès non séquentiel.

 

L’hypertexte permet, donc, de manipuler des données de toute sorte et non seulement du texte, tels que les images, le son, les séquences vidéo…Il permet aussi de moduler l’interaction du lecteur avec le document en prévoyant divers types de réactions aux mouvements effectués par le lecteur.

 

L’hypertexte s’impose donc comme le procédé par excellence devant permettre de gérer des masses énormes de données avec une parfaite fluidité.

 

Il a connu son plus grand succès avec l’apparition du CD ROM à partir de 1986 et le premier roman « Afternoon » réalisé par ce procédé en 1987 par Michel JOYER.

 

Actuellement, l’hypertexte est travaillé au format du codex, les sites web par exemple sont organisés comme des pages de journaux et on essaye aussi de faire intégrer au web ce qui a le succès du livre. On parle même d’harmonisation des fonctions hypertexte avec le codex pour enrichir la lecture en lui donnant plus de fluidité.

 

L’auteur tente également de répondre la question : l’hypertexte est-il un nouveau genre ?

 

Il résume bien son avis dans le dernier chapitre « Entre codex et hypertexte ». Pour lui, l ‘hypertexte convient bien à des documents de type informatifs ou encyclopédiques surtout s’il est organisé hiérarchiquement. Dans ce cas, il répond au besoin de tabularité qui caractérise le lecteur moderne à la recherche de plus de liberté et de facilité.

 

Par contre, dans le domaine de la pensée spéculative ou dans celui de la fiction, l’hypertexte serait mal adapté.

 

La dynamique de lecture varie elle aussi . Si la lecture du livre est placée sous le signe de la durée et d'une certaine continuité, celle de l'hypertexte est caractérisée par un sentiment d'urgence, de discontinuité et de choix à effectuer constamment. C’est une nouvelle forme de lecture, lecture visuelle, tabulaire et tournée vers l’exploration de nouveaux territoires

 

On ne lit plus un hypermédia, on y navigue ou on y surfe. La navigation suppose un déplacement dans un environnement où n’existent pas de repères stables, de routes tracées. Le lecteur est supposé quand même lire pour se déplacer mais dans la mesure où il navigue, sa lecture est incomplète et entièrement orientée vers l’action..

 

La lecture n’est pas forcément facilitée par ce nouveau média. Le lecteur n’est pas toujours sûr de ce qu’il peut trouver en cliquant sur un lien, et un simple clic peut l’éloigner du contexte sélectionné au début. Et comme le fragment hypertextuel est un élément détaché du contexte, le lecteur doit à chaque fois recréer les éléments contextuels qui lui permettent de comprendre ses textes.

 

Les notions de linéarité et de tabularité :

 

Dans cet ouvrage, l’auteur décrit l’évolution de la communication écrite à partir de la notion de « tabularité ». Ce concept dérive du mot « tableau ».

 

Est « tabulaire » tout ce qui est disposé sous la forme d ‘un tableau. Le propre d’un tableau, c’est d’être appréhendé sur le plan strictement visuel, avec liberté pour le lecteur de prélever les indices sémantiques dans l’ordre qui lui convient.

 

Cependant, le texte relève au départ d’un autre mode d’appréhension. Il a d’abord été organisé de façon linéaire, comme un fil que le lecteur devait suivre du début jusqu’à la fin.

 

Une révolution majeure se produira avec l’apparition du codex ou le cahier qui a introduit la notion de page et a permis donc au lecteur de se déplacer dans le livre et de se rendre à l’endroit qui lui convient.

 

Le livre s’est enrichi après de nombreux éléments de tabularité, ce qui a modifié la nature du texte et du langage lui même, comme par exemple la table des matières, les chapitres, l’index…

 

Pour résumer, un ouvrage est tabulaire, donc, quand il dispose d’éléments susceptibles d’aider le lecteur à circuler à travers une masse d’informations et à retrouver aussi rapidement que possible les informations qui l’intéressent.

 

La notion de tabularité est plus développée sur écran : web et CD ROM, vu les nombreuses réalisations permises par ces divers médias. Le texte est donc travaillé comme un matériau visuel et le degré de tabularité dépend de son contenu et de son usage.

 

Conclusion :

 

Ce livre et très utile et suggestif, fondé sur une bonne connaissance de l’écrit et de l’écriture. On y trouve un rappel des grandes étapes de l’histoire de l’écrit et des acquis des sciences cognitifs.

L’auteur n’a pas manqué de se référer à plusieurs écrits dans le domaine. Son ouvrage est plein d’exemples et de citations, ce qui prouve qu’il maîtrise bien son sujet.

On peut regretter dans cet essai une certaine redondance et le manque d’un certain enchaînement d’idées. C’était peut être une volonté de l’auteur….

 

 

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